
Les espèces animales et leurs habitats ne sont pas les seuls à justifier l’inscription d’un site en zone Natura 2000. Le Parc étudie également les végétaux et les habitats qu'ils forment, intègrant la préservation de certaines espèces de plantes rares et menacées dans ses préconisations et travaux de restauration des milieux. Citons par exemple l’Anémone pulsatile des pelouses calcaires ou la Grassette du Portugal, plante carnivore des tourbières. Plus récemment, le Parc s’est intéressé à une famille d’algues vertes encore méconnue : les Characées.
« En 2020, le Parc a participé à une étude sur les herbiers à Characées, menée par l’antenne de Caen du Conservatoire botanique national de Brest (CBNB) en la personne de Timothée Prey, et financée par la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement de Normandie (DREAL). L'objet de cette étude était de réaliser une expertise de ces habitats à Characées en parallèle de l’actualisation d'une cartographie Natura 2000 », explique Emmanuel Douillard, chargé d’études au Parc.
En juin et juillet de l’année dernière, huit étangs et trois mares du site Natura 2000 « Forêts, étangs et tourbières du Haut-Perche » ont ainsi été prospectés avec l’accord de leurs propriétaires. Quatre étangs ont révélé la présence d’herbiers à Characées, et cinq espèces différentes ont pu être identifiées après observation en laboratoire, à la loupe binoculaire : Chara globularis, Chara delicatula, Nitella syncarpa, Nitella transluscens et Nitella flexilis.
« Ces découvertes complètent des données encore très partielles à l’échelle de l’Orne mais aussi de la Normandie. On observe essentiellement des herbiers inféodés aux eaux neutres à acides dominés par le genre Nitella. Dans certains étangs, ces herbiers sont très développés, occupant en été des dizaines voire des centaines de mètres-carrés. Dans d’autres étangs au contraire, on ne retrouve qu’une espèce ou deux. Et pour d’autres, les Characées sont totalement absentes », précisent Timothée Prey et Emmanuel Douillard.
Ainsi, outre la confirmation de la présence de ces espèces rares et encore méconnues, l’étude permet de mieux comprendre le fonctionnement de ces algues dites « bio-indicatrices ». « La présence et la diversité des herbiers de Characées sont un bon indicateur de la qualité de l’eau et d’une gestion de l’étang favorable à l’ensemble des communautés aquatiques et amphibies, plantes mais aussi animaux. »
Les vidanges régulières, un peuplement piscicole équilibré, le curage partiel ou total et le déboisement des berges pour laisser passer la lumière et limiter l’accumulation des feuilles mortes semblent les actions les plus favorables aux Characées. Au contraire, une forte population de carpes et autres poissons fouisseurs qui troublent l’eau et grignotent les algues, de ragondins, eux aussi friands des Characées, ou encore d’écrevisses exotiques qui creusent leurs galeries et contribuent également à troubler les eaux des étangs semblent nuire aux herbiers.
« Le site Natura 2000 Forêts, Étangs et Tourbières du Haut-Perche possède clairement une responsabilité importante pour la conservation des herbiers à Characées à l’échelle de la région Normandie. Les actions de gestion et de restauration mais aussi de sensibilisation des propriétaires et usagers de ces plans d’eau doivent se poursuivre afin de conserver ces végétations rares et menacées », conclut ainsi l’étude menée avec le Conservatoire botanique national de Brest.